jeudi 28 avril 2011

horloges à Java



A Bandung (Java Ouest),
au carrefour avec la rue
Wastu Kencana, une horloge
 à l'architecture inspirée de la
 tradition des temples javanais,
surmontée d'un pinacle
en fleur de lotus
Dans les villes de Java les horloges que l'on voit dans nombre de lieux publics comportent généralement des cadrans semblables, au design un peu daté. On les trouvent aux carrefours, sur certaines voies, mais aussi dans des lieux fréquentés profanes ou même sacrés.

Ainsi, ces horloges ne sont sans doute pas si anodines qu'elles pourraient le paraître au premier abord. 
Souvent leur support est architecturé et emprunte des traits aux temples hindo-bouddhiques javanais, dans des interprétations plus ou moins modernes.
De plus leur présence dans des lieux plus chargés de sens, que ce soit au kraton ou dans les mosquées liées au kraton est un signe de l'assimilation par la tradition locale du temps occidental.
Même si le calendrier javanais de 5 jours (legi, paing, pon, wage, kliwon), croisé au calendrier lunaire musulman de 7 jours, continue de rythmer le temps. Les vendredis (jour  de la prière collective musulmane) "kliwon" restent considérés comme fastes...
Ces horloges sont aussi finalement une expression de la grande faculté syncrétique des javanais.








au sud de la célèbre jalan Malioboro (artère commerçante) à Yogyakarta,
l'horloge sur son socle célèbre le temps de la modernité
à Yogya, au carrefour jalan Cik Ditiro/jalan Sudirman,
l'horloge est surmontée d'un petit toit superposé
à Cirebon, au carrefour à une extrémité de
la jalan Siliwangi, avec un cadran carré
au design plus moderne, l'horloge est encore
surmontée de toits superposés...comme les toitures
des anciennes mosquées en Indonésie
Il est plus étonnant de trouver ce signe de modernité dans la cour de la mosquée, rythmée par le temps des prières, mais il est vrai qu'il ne s'agit pas de n'importe quelle mosquée, celle de Kota Gede étant considérée comme la plus ancienne de Yogyakarta.
l'horloge dans la cour de la grande mosquée (Masjid Besar)
 de Kota Gede, au sud de Yogyakarta, surmontée d'une couronne
 et du chiffre de Pakubuwono X, et à l'architecture évoquant
celle des  temples (candi) hindo-bouddhiques de Java
Gereja Kota Baru (l'église du quartier Kota Baru) à Yogyakarta. Au dessus de l'entrée principale,
l'horloge se marie plutôt bien avec l'architecture art déco du lieu édifié dans les années 1920

mercredi 20 avril 2011

routes et démocratie

L’unique route qui relie Palembang (environ 1,5 millions d’habitants) à Jambi (environ    500 000 habitants), deux villes importantes de Sumatra, est l’équivalent d’une route nationale ordinaire mal entretenue à deux voies en France. De nombreux tronçons sont criblés de nids de poule et quelques passages sont défoncés. Les habitants mettent cet état de fait sur le compte de la corruption des politiciens locaux et de la mauvaise gouvernance: routes de mauvaise qualité car matériaux de mauvaise qualité et construction à moindre frais...une partie de l’argent public ayant été détourné. De plus l'entretien des routes ne permet pas aux politiciens véreux de prendre une commission substantielle au passage, comme le permet la construction d'une route nouvelle.

une rue du centre de Jambi, comme beaucoup de rues de
 villes indonésiennes, architecture laide, enseignes anarchiques,
trottoirs défoncés
De manière générale, le réseau viaire et les infrastructures routières laissent à désirer. A Java ou le réseau viaire est plus développé, elles sont à peine convenables, au regard de la densité de population (135 millions d’habitants pour une superficie de 129 000 km2), “lumayan” (=ça peut aller!) pour reprendre un vocable indonésien très usité. Alors on fait avec! Lorsqu’il y a des nids de poule, on essaie de les éviter, surtout lorsqu’on est en moto. En ville, quand des trous béants crèvent la rue, ou laissent voir les caniveaux, à chacun de faire attention. Au besoin, on plante une branche dans le trou lorsqu’il est au milieu ou au bord de la voie , en attendant la réparation à venir...

jalan (= rue) Colombo, à Yogyakarta, un jour d'avril 2011
Globalement le fonctionnement de la circulation est d’ailleurs plus fondé sur l’attention que sur la règle. Il faut s’insérer dans le flux mouvant, ne jamais faire de manoeuvre brusque, avoir des yeux derrière la tête, et se déplacer lentement de manière que tous puissent anticiper les déplacements de chacun. Mais l’attention et l’observation de ce qui se  passe dans son environnement est un autre sujet.

La question des infrastructures routières mène également à une autre réflexion, plus politique. Le président de la République indonésienne, Susilo Bambang Yudhoyono (dit "SBY"), a provoqué il y a quelques mois un débat à l’occasion d’un discours, en disant incidemment qu’il n’y avait pas de place pour le système monarchique en Indonésie. Emotion dans la Daerah Istiméwa Yogyakarta! En effet la DIY est une circonscription au statut particulier en Indonésie; il s’agit d’une province issue d'un sultanat (le Gouverneur en est le Sultan, actuellement Hamengku Buwono X, qui signifie "celui qui porte le monde dans son giron") et le Vice-gouverneur est le Paku Alaman IX ( nom qui a pour sens en javanais "axe du monde"). A noter qu'en fait depuis le XVIIIè siècle il y deux "sultanats" à Yogyakarta, concurrents, effet de l'habileté politique des hollandais selon la vieille formule du diviser pour mieux régner.
Cette particularité est liée à l’Histoire: en 1945, alors que l’indépendance (Merdeka) avait été proclamée en août 1945, les hollandais envoyèrent leurs troupes pour reprendre possession de leur ancienne colonie, dont ils avaient été dépossédés en 1942 à l’arrivée des japonais. Le Gouvernement indonésien fut accueilli au Kraton de Yogyakarta, le Sultan Hamengku Buwono IX ayant choisi de soutenir les indépendantistes, et ayant décrété l'intégration du sultanat dans la République indonésienne. Lorsque les hollandais durent renoncer à leur possession coloniale en 1949 (fin de la guerre d’indépendance), une circonscription spéciale fut alors octroyée au Sultan de Yogyakarta pour le récompenser de son engagement et de son soutien). Il n’y a donc pas d’élections pour désigner le Gouverneur de la Daerah Istiméwa Yogyakarta.

entrée du kraton Paku Alaman


L’occidental ordinaire considère habituellement que la démocratie est le moins mauvais des systèmes politiques. Pourtant, si l’on en juge au regard de la gestion locale, la DIY a su préserver une relative qualité, et a traversé les troubles de 1998 (à la chute du régime autoritaire de Suharto) sans les violences et déprédations qui ont affecté d'autres villes. En d’autres termes le Gouverneur et le Vice-gouverneur auraient l’ambition de servir la population et l’absence d’élections éviterait tout à la fois une certaine gabegie liée au financement des campagnes et assurerait un degré de corruption moindre. En vérité évidemment c'est peut être seulement une question de personnes plutôt qu'une question de forme du pouvoir. De plus le pouvoir exécutif est tout de même assorti d'une assemblée législative locale.


entrée du kraton Ngayogyakarta


Voilà de quoi réjouir les royalistes de tout poil: l’image du souverain de droit divin proche de son peuple et aimé de lui, autour duquel se constitue une unité, et qui apporte la paix par sa noble sagesse...
En tout cas, dans leur grande majorité, les habitants de la Daerah Istiméwa Yogyakarta soutiennent leur souverain, et SBY a perdu là des voix.

Le débat reste ouvert!

samedi 9 avril 2011

architecture moderne à Jambi

A Jambi pas plus qu'à Palembang il ne faut espérer voir des vestiges de l'empire maritime de Sriwijaya (VIIè-XIIIè siècles). D'ailleurs l'ancien port au bord de la rivière Batang Hari a été remplacé par un horrible mall (centre commercial) sans âme. Tel ou tel habitant ayant un minimum d'intérêt pour l'Histoire, ou tout simplement un sens esthétique moyen, le regrette et évoque en guise d'explication les largesses du promoteur à l'égard des décideurs locaux. Apparemment aucune fouille archéologique sérieuse n'a été faite à l'occasion de la construction du mall et du massacre de la rive. Le lieu désormais privatisé et transformé en parking pour les clients du mall. Il est déserté par les habitants. Un lieu de promenade extraordinaire aurait pu être créé là.

le mall WTC édifié entre le quartier du marché à Jambi et la rivière, désormais invisible
à l'arrière du mall, la rivière Batang Hari
Habituellement les visiteurs de passage à Jambi vont visiter non loin de la ville le site archéologique de Muara Jambi (à 25 km en aval), ancien centre d'enseignement bouddhique de Sriwijaya. Mais il est un quartier plus surprenant, non dénué de charme, devant l'ancien port: Kelurahan pasar (pasar=marché, lurah=chef de village), dans le district de Kecamatan pasar. ce quartier conserve une relative unité architecturale, issue semble-t-il de la fin de la période coloniale, marquée par le "mouvement moderne" en architecture (dont, pour situer les choses, une figure emblématique est Le Corbusier). Ce style se caractérise par des volumes simples, des ornements géométrisés, l'usage de matériaux modernes (béton, acier), en rupture avec le passé et n'ayant donc  délibérement aucun rapport avec l'architecture traditionnelle locale en bois sur pilotis.

(B) immeuble d'angle, avec des brise-soleil;
Lignes verticales
(B) un autre angle, repeint..., mais déjà des constructions voisines
sont venues dépareiller l'ensemble
(A) un autre, ayant subi une surélévation pas très heureuse
(A) la végétation prend parfois ses aises lorsque l'entretien fait défaut
(A) encore un, avec, au dessus des fenêtres, ses ventilations naturelles
indispensables.Lignes horizontales marquées
(A) toujours des toits terrasses, et en rez-de-chaussée les activités.
Le dessin des volets fait pencher pour une architecture plus précoce
Cet ensemble n'est pas sans évoquer l'architecture de la ville de Royan (Charente maritime), reconstruite après la guerre dans le style moderne. Ou bien, plus prestigieux, les projets urbanistiques et architecturaux de Le Corbusier à Chandigardh (Penjab 1951-62) ou Ahmedabad (Gujarat 1951-56). Car l'intérêt de ce quartier n'est pas seulement lié à son architecture; un véritable quartier a été pensé avec son lieu de culte, son théâtre (ou cinéma), les boutiques et activités en rez-de-chaussée.

la façade du théâtre avec ses ornements géométrisés inspirés par l'Art Déco
(A) le choix des couleurs n'est pas toujours coordonné... dessin
des ventilations plus original
(B) autre géométrie, plus rectiligne, peut-être plus tardive (années 50?)
le minaret de la mosquée, aussi marqué par le style moderne et le béton
(B) le quartier est en fait, comme son nom l'indique, le quartier du marché
(A) style plus marqué par l'Art Déco
(A) là encore, les constructions voisines plus récentes sont venues
rompre l'harmonie architecturale
Les quelques personnes que j'ai pu interroger au hasard des rencontres ne paraissaient pas avoir conscience de l'unité et du style propre à ce quartier. Et ils ignoraient quand il a été construit. 
Mon sentiment est qu'il s'agit d'une opération d'urbanisme de la fin de la période coloniale, comme le style d'un certain nombre d'immeubles (type A) le suggère, la continuité urbanistique ayant été préservée au-delà des bouleversements politiques de l'Indépendance (immeubles de type B).

Faute d'avoir mené des investigations à la mairie de Jambi, il ne me reste qu'à espérer qu'un lecteur informé pourra apporter des éléments de réponse...

mercredi 6 avril 2011

encore des rochers!

L'omniprésence des rochers et des rocailles, en rapport, conscient ou inconscient, avec un contexte funéraire ou religieux, dans divers sites d'Indonésie, avait déjà attiré mon attention. Un séjour à Palembang me fait découvrir à Bukit Seguntang (bukit = colline), sorte de petite colline située au nord de la ville, les tombes de personnages d'ascendance royale, auxquelles sont egalement associées des pierres.
Au début du XXè siècle ont été trouvées sur ce site des inscriptions en vieux-malais (écriture dérivée du sanskrit) du VIIè siècle de notre ère, et une statue de Bouddha du VIIè ou VIIIè siècle (dans le style d'Amaravati). Le site est considéré comme sacré au moins depuis l'époque de l'empire maritime de Sriwijaya (VIIè-XIIIè siècle).

la tombe de Panglima (= chef des armées) Bagus Karang...

...sur laquelle un rocher a été posé

la tombe de Panglima Bagus Sekuning...

...elle aussi surmontée d'un rocher. Ofrandes de fleurs.

la tombe de Raja (= roi)  Sigentar Alam (ancien roi de Sriwijaya)

devant la pierre tombale (maesan) elle-même,
trois éminences rocheuses étranges

vue depuis l'autre côté

là, deux éminences rocheuses
Au delà de ces énigmatiques rochers, ou peut-être comme un prolongement de leur présence dans la perception indonésienne, les plaques d'inauguration de beaucoup de lieux publics sont apposées sur des rochers. Deux exemples entre mille.

la plaque d'inauguration du musée de Sumatra Sud (museum Sumatra Selatan),
avec à l'arrière plan une fausse paroi rocailleuse maçonnée...tout y est!

plaque d'inauguration de la piscine de l'UNY (Universitas Yogyakarta)