mercredi 20 avril 2011

routes et démocratie

L’unique route qui relie Palembang (environ 1,5 millions d’habitants) à Jambi (environ    500 000 habitants), deux villes importantes de Sumatra, est l’équivalent d’une route nationale ordinaire mal entretenue à deux voies en France. De nombreux tronçons sont criblés de nids de poule et quelques passages sont défoncés. Les habitants mettent cet état de fait sur le compte de la corruption des politiciens locaux et de la mauvaise gouvernance: routes de mauvaise qualité car matériaux de mauvaise qualité et construction à moindre frais...une partie de l’argent public ayant été détourné. De plus l'entretien des routes ne permet pas aux politiciens véreux de prendre une commission substantielle au passage, comme le permet la construction d'une route nouvelle.

une rue du centre de Jambi, comme beaucoup de rues de
 villes indonésiennes, architecture laide, enseignes anarchiques,
trottoirs défoncés
De manière générale, le réseau viaire et les infrastructures routières laissent à désirer. A Java ou le réseau viaire est plus développé, elles sont à peine convenables, au regard de la densité de population (135 millions d’habitants pour une superficie de 129 000 km2), “lumayan” (=ça peut aller!) pour reprendre un vocable indonésien très usité. Alors on fait avec! Lorsqu’il y a des nids de poule, on essaie de les éviter, surtout lorsqu’on est en moto. En ville, quand des trous béants crèvent la rue, ou laissent voir les caniveaux, à chacun de faire attention. Au besoin, on plante une branche dans le trou lorsqu’il est au milieu ou au bord de la voie , en attendant la réparation à venir...

jalan (= rue) Colombo, à Yogyakarta, un jour d'avril 2011
Globalement le fonctionnement de la circulation est d’ailleurs plus fondé sur l’attention que sur la règle. Il faut s’insérer dans le flux mouvant, ne jamais faire de manoeuvre brusque, avoir des yeux derrière la tête, et se déplacer lentement de manière que tous puissent anticiper les déplacements de chacun. Mais l’attention et l’observation de ce qui se  passe dans son environnement est un autre sujet.

La question des infrastructures routières mène également à une autre réflexion, plus politique. Le président de la République indonésienne, Susilo Bambang Yudhoyono (dit "SBY"), a provoqué il y a quelques mois un débat à l’occasion d’un discours, en disant incidemment qu’il n’y avait pas de place pour le système monarchique en Indonésie. Emotion dans la Daerah Istiméwa Yogyakarta! En effet la DIY est une circonscription au statut particulier en Indonésie; il s’agit d’une province issue d'un sultanat (le Gouverneur en est le Sultan, actuellement Hamengku Buwono X, qui signifie "celui qui porte le monde dans son giron") et le Vice-gouverneur est le Paku Alaman IX ( nom qui a pour sens en javanais "axe du monde"). A noter qu'en fait depuis le XVIIIè siècle il y deux "sultanats" à Yogyakarta, concurrents, effet de l'habileté politique des hollandais selon la vieille formule du diviser pour mieux régner.
Cette particularité est liée à l’Histoire: en 1945, alors que l’indépendance (Merdeka) avait été proclamée en août 1945, les hollandais envoyèrent leurs troupes pour reprendre possession de leur ancienne colonie, dont ils avaient été dépossédés en 1942 à l’arrivée des japonais. Le Gouvernement indonésien fut accueilli au Kraton de Yogyakarta, le Sultan Hamengku Buwono IX ayant choisi de soutenir les indépendantistes, et ayant décrété l'intégration du sultanat dans la République indonésienne. Lorsque les hollandais durent renoncer à leur possession coloniale en 1949 (fin de la guerre d’indépendance), une circonscription spéciale fut alors octroyée au Sultan de Yogyakarta pour le récompenser de son engagement et de son soutien). Il n’y a donc pas d’élections pour désigner le Gouverneur de la Daerah Istiméwa Yogyakarta.

entrée du kraton Paku Alaman


L’occidental ordinaire considère habituellement que la démocratie est le moins mauvais des systèmes politiques. Pourtant, si l’on en juge au regard de la gestion locale, la DIY a su préserver une relative qualité, et a traversé les troubles de 1998 (à la chute du régime autoritaire de Suharto) sans les violences et déprédations qui ont affecté d'autres villes. En d’autres termes le Gouverneur et le Vice-gouverneur auraient l’ambition de servir la population et l’absence d’élections éviterait tout à la fois une certaine gabegie liée au financement des campagnes et assurerait un degré de corruption moindre. En vérité évidemment c'est peut être seulement une question de personnes plutôt qu'une question de forme du pouvoir. De plus le pouvoir exécutif est tout de même assorti d'une assemblée législative locale.


entrée du kraton Ngayogyakarta


Voilà de quoi réjouir les royalistes de tout poil: l’image du souverain de droit divin proche de son peuple et aimé de lui, autour duquel se constitue une unité, et qui apporte la paix par sa noble sagesse...
En tout cas, dans leur grande majorité, les habitants de la Daerah Istiméwa Yogyakarta soutiennent leur souverain, et SBY a perdu là des voix.

Le débat reste ouvert!

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