vendredi 18 mars 2011

rochers et rocailles*

A Makassar, au sud de Sulawesi (île anciennement dénommée Célèbes), le cimetière dénommé "makam Sultan Hasanuddin" accueille les tombes formant caveau de princes et sultans locaux de Goa (orthographié aussi Gowa, ancienne pricipauté du sud de Célèbes), dont le tombeau du sultan Hasanuddin (1629-1670). Au coeur du cimetière a été édifié un pavillon ouvert sous lequel on peut voir un faux rocher maçonné. Le gardien des lieux en ignore la signification.

dans le pavillon édifié au milieu du cimetière

vue de l'autre côté

Pourquoi un faux rocher a-t-il été crée au coeur du cimetière?
S'agit-il de la manifestation de croyances antéislamiques dans ce lieu dédié aux défunts et aux esprits?
La présence à proximité immédiate d'une "pierre plate sur laquelle les princes prenaient place pour leur investiture" ( selon les renseignements recueillis par Christian Pelras, grand spécialiste de Sulawesi, cf. revue "Archipel" 1975, n°10,  p.20) pourrait le laisser penser. D'autant plus que le jour où j'y suis passé, en 2008, une sorte de cérémonie d'"exorcisme"(prières, cris, pleurs) a eu lieu là, juste avant que je n'en photographie les traces.

pierre d'investiture du Sultan à côté du cimetière

herbes et pétales de fleur de la cérémonie

D'ailleurs, au coeur de Sulawesi, en pays Toradja, où le culte des morts joue un rôle central dans la culture et les échanges entre familles, des mégalithes ont été édifiés en nombre.

à Rantepao, en pays toradja

dans les environs de Rantepao

A Java même les rochers sont fréquents, dans des aménagements urbains, à l'angle de rues, dans les aménagements paysagers des jardins, le long de certains trottoirs ou devant certaines maisons particulières. Les murs à décor de faux rochers et les fausses rocailles ayant pour vertu d'embellir, selon le sentiment commun, sont également nombreuses à Palembang et à Jambi (Sumatra). Au delà du sentiment commun, et du goût parfois douteux des réalisations actuelles, sans doute y-a-t-il des ressorts inconscients remontant à une tradition ancestrale.

un jardin de la Fakultas Ilmu Budaya
de l'Universitas Gadjah Mada
des baraquements construits dans une rue du quartier Sagan,
par des habitants précaires sans doute, mais dont la créativité est originale,
voire franchement déjantée. Devant une fausse rocaille, à la fois bétonnée
 et peinte dans la partie haute.






Du rocher à la rocaille, il n'y a qu'un pas. Je le franchis.

pavillon surmontant une rocaille à Gua Sunyaragi

A Cirebon la rocaille est omniprésente dans les kraton (= palais), mais aussi dans un jardin de méditation édifié sans doute au milieu du XVIII ème siècle, "gua Sunyaragi" (gua = grotte), pour un sultan de Cirebon, en dehors de la ville ancienne ( Sur le sujet Denys Lombard a écrit un passionnant article dans la revue "Arts asiatiques" en 1969, intitulé "Jardins à Java"). Il s'agit d'un monticule maçonné, fait de rochers, briques et mortier, avec des passages secrets et étroits, agrémentée de pavillons.

Une autre vue du complexe de Gua Sunyaragi

l'un des jardins du kraton Kasepuhan

On en trouve même dans une pièce du kraton Kasepuhan une rocaille peinte dans un style étonnant...

...qui nous semblera kitchissime...


Ces fausses rocailles et les jardins où elles se trouvent, sont associés à la méditation, à la communication avec les esprits. Beaucoup de javanais sont réceptifs aux phénomènes surnaturels, et nombre de cérémonie sont toujours organisées dans les lieux idoines, grottes, temples, ... et aux dates propices selon le calendrier javanais, le cas échéant croisé avec le calendrier musulman.

au kraton Kanoman de Cirebon

mur au kraton Kanoman

l'entrée de la résidence du sultan du kraton Kasepuhan

même le char d'apparat du sultan de Cirebon du kraton Kanoman est composé
comme une rocaille
* Nota bene: photos JLA.

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